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les mille nuits et une nuit

« Le voici :

« Oui, je le sais, vêtu de noir, je viens troubler, de mon cri importun, ce qu’il y a de plus pur, et rendre amer ce qu’il y a de plus doux.

Soit au lever de l’aurore, soit aux approches de la nuit, je m’adresse aux campements printaniers et les excite à la séparation.

Si je vois un bonheur parfait, je proclame sa fin prochaine ; si j’aperçois un palais magnifique, j’annonce sa ruine imminente.

Oui, tout cela on me le reproche, je le sais, et que je suis de plus mauvais augure que Kascher, et plus sinistre que Jader.

Mais, ô toi qui blâmes ma conduite, si tu connaissais ton véritable bonheur, comme je connais le mien, tu n’hésiterais pas à te couvrir comme moi d’un vêtement noir ; et tu me répondrais en tout temps par des lamentations.

Mais les plaisirs vains occupent tes moments, et ta vanité te retient loin des sentiers de la sagesse.

Tu oublies que ton ami sincère est celui qui te parle avec franchise, et non celui qui te cache tes erreurs ; que c’est celui qui te réprimande et non celui qui t’excuse ; que c’est celui qui t’enseigne la vérité et non celui qui venge tes injures.

Car quiconque t’adresse des remontrances, réveille en toi la vertu lorsqu’elle est endormie, et te met sur tes gardes en t’inspirant des craintes salutaires.

Quant à moi, habillé de deuil, je pleure sur la vie fugitive qui nous échappe, et ne puis m’empêcher de