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les mille nuits et une nuit

Aussi, mon maître finit-il par m’aimer, et, craignant que ma froideur et ma réserve ne m’attirent la haine, il couvre ma vue avec le chaperon, selon ces paroles du Korân : « N’étends point la vue ! »

Il enlace ma langue sur mon bec, avec le lien qu’ont en vue ces paroles du Korân : « Ne remue point la langue ! »

Il me serre enfin avec les entraves désignées par ce verset du Korân : « Ne marche pas sur la terre avec pétulance ! »

Je souffre d’être ainsi lié, mais, toujours silencieux, je ne me plains point des maux que j’endure.

Aussi, ayant longtemps mûri mes pensées dans la nuit du chaperon, mon instruction est faite. Et c’est alors que les rois deviennent mes serviteurs, que leur main royale est le point de départ de mon vol, et que leur poignet est sous mes pieds orgueilleux !

« Et maintenant, si vous le voulez bien, ô mes maîtres et mes maîtresses, je vous dirai le Chant du Cygne.

« Il est bref, mais le voici :

» Maître de mes désirs, je dispose de l’air, de la terre et de l’eau.

Mon corps est de neige, mon col est un lys, et mon bec un petit coffret d’ambre doré.

Ma royauté est faite de blancheur, de solitude et de dignité.

Je connais les mystères des eaux, les trésors de fond et les merveilles marines.

Et, tandis que je voyage et vogue par ma propre