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les mille nuits et une nuit

che et non leur froment ; je souhaite leur amitié, et non leur grain.

Aussi, comme je m’abstiens scrupuleusement de ce que possèdent les hommes, j’ai leur affection, et je suis reçu dans leurs demeures comme un pupille que l’on presse sur son sein !

« Et maintenant, si vous le voulez bien, ô mes maîtres et mes maîtresses, je vous dirai le Chant du Hibou.

« Le voici :

« On me dit le maître de la sagesse. Hélas ! connaît-on la sagesse ?

La sagesse, la paix et le bonheur ne se trouvent que dans la retraite. On a du moins quelque chance de les y rencontrer.

Dès ma naissance, je me retire du monde. Car, de même qu’une seule goutte d’eau est la source d’un torrent, de même la société est la source des calamités. Aussi, n’y ai-je jamais placé ma félicité.

Un creux dans quelque ruine très ancienne est mon habitation solitaire. Là, loin des compagnons, des amis et des proches, je suis à l’abri des tourments et n’ai point à craindre les envieux.

Je laisse les palais somptueux aux infortunés qui y font leur résidence, et les mets délicats aux pauvres riches qui s’en nourrissent.

Dans ma solitude austère, j’ai appris à réfléchir et à méditer. Mon âme surtout a attiré mon attention. J’ai pensé au bien qu’elle peut faire et au mal dont elle peut se rendre coupable. J’ai porté mon attention sur les qualités réelles et intérieures.