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les mille nuits et une nuit

« Et maintenant, ô mes maîtres et mes maîtresses, je vous dirai, si vous le voulez bien, le Chant du Basilic :

« Mes sœurs, voici le moment où vous ornez à l’envi le jardin où je demeure. Donnez-moi vos ordres et, de grâce ! prenez-moi pour votre commensal.

Mes feuilles fraîches et délicates vous annoncent mes rares qualités. Je suis l’ami des ruisseaux ; je partage les secrets de ceux qui s’entretiennent au clair de lune, et j’en suis le dépositaire le plus fidèle.

Prenez-moi pour commensal, ô mes sœurs ! De même que de la danse saurait être agréable sans le son des instruments, de même l’esprit des gens délicieux ne saurait être réjoui sans ma présence.

Mon sein renferme un parfum précieux, qui pénètre jusqu’au fond des cœurs. Je suis promis aux élus dans le paradis.

Je vous ai dit, ô mes sœurs, que je n’étais point un indiscret. Cependant vous aurez peut-être entendu dire qu’il existe un délateur parmi les membres de ma famille : la menthe !

Mais, je vous en prie, ne lui faites point de reproches : elle ne répand que sa propre odeur, et ne divulgue qu’un secret qui la regarde.

Celui qui est indiscret pour lui-même ne peut être assimilé à celui qui révèle des secrets qu’on lui a confiés, et ne mérite point le nom injurieux de délateur.

Quoi qu’il en soit, je ne suis point lié à la menthe par des liens de proche parenté. Réfléchissez là-dessus, ô mes sœurs : je suis l’ami des ruisseaux ; je connais les