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les mille nuits et une nuit

MAIS LORSQUE FUT
LA NEUF CENT TRENTE-TROISIÈME NUIT

Elle dit :

« … Et maintenant, si vous le voulez bien, ô mes -maîtres et mes maîtresses, je vous dirai le Chant de la Giroflée. Le voici :

« Les révolutions du temps ont changé ma couleur première et en ont formé trois différentes nuances, qui constituent mes variétés.

La première se présente sous le vêtement jaune du mal d’amour ; la seconde s’offre aux regards vêtue de la robe blanche de l’inquiétude produite par les tourments de l’absence ; et la troisième paraît sous le voile bleu du chagrin d’amour.

Quand je suis blanche, je n’ai ni éclat ni parfum. Aussi l’odorat dédaigne-t-il ma corolle, et l’on ne vient point enlever le voile qui couvre mes appas.

Mais je me réjouis d’être ainsi délaissée, car je l’ai voulu. Je cache soigneusement mon secret, je renferme en moi-même mon parfum, et je dérobe mes trésors avec tant de soin que ni les désirs ni les yeux ne peuvent en jouir.

Quand je suis jaune, je me promets, au contraire, de séduire ; je prends dans ce dessein, un air de volupté ; je répands, le matin et le soir, mon odeur musquée ;