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histoire de la jouvencelle…
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Car mon calice, submergé dans l’eau nocturne, contemple alors, comme un œil vigilant, ce qui fait son bonheur.

Et les hommes irréfléchis ne savent plus où je suis, et ne se doutent point de mon bonheur caché, et nul censeur ne vient plus m’importuner pour m’éloigner de ma fraîche bien-aimée.

D’ailleurs, quelque part que mes désirs me portent, ma bien-aimée reste à mes côtés. Si je la prie de soulager l’ardeur qui m’enflamme, elle m’abreuve de sa douce liqueur. Et si je lui demande asile, complaisante, elle m’ouvre son sein pour m’y cacher.

Mon existence est liée à la sienne, et la durée de ma vie dépend du séjour qu’elle fait auprès de moi.

C’est par elle seule que je puis acquérir le dernier degré de la perfection, et c’est à ses seules qualités que je dois mes vertus.

Si craintive et pudique est ma nature que, ne pouvant me résoudre à vivre nu dans l’air, je fuis les yeux et me cache dans l’eau. Et, par ma corolle immaculée, je me laisse deviner plutôt que voir.

V Et maintenant, si vous le voulez bien, ô mes maîtres et mes maîtresses, je vous dirai le Chant de la Giroflée…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.