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histoire de la jouvencelle…
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Voyez ! Aussitôt que s’ouvre ma corolle, on vient me cueillir et me sevrer de mes racines, sans me laisser le temps de parvenir au terme de ma croissance.

Alors il ne manque pas de gens qui, abusant de ma faiblesse, me traitent avec violence, sans que mes agréments ni ma modestie les puissent toucher.

Je cause du plaisir à ceux qui sont auprès de moi, et je plais à ceux qui m’aperçoivent. Pourtant, à peine se passe-t-il un jour, ou même une partie d’un jour, que déjà l’on ne m’estime plus ;

Et l’on me vend au plus bas prix, après avoir fait le plus grand cas de moi ; et on finit par me trouver des défauts, après m’avoir comblée d’éloges.

Le soir, par l’influence de la destinée ennemie, mes pétales se roulent et se fanent ; et le matin, je suis pâle et desséchée.

C’est alors que les gens studieux, qui connaissent mes vertus, me recueillent. Avec mon secours, ils éloignent les maux, apaisent les douleurs et adoucissent les tempéraments secs.

Fraîche, je fais jouir les hommes de la douceur de mon parfum, du charme de ma fleur ; sèche, je leur rends la santé.

Mais combien parmi les fils des hommes qui ignorent mes qualités intérieures et négligent de scruter mes vues de sagesse.

J’offre cependant un tel sujet de réflexion aux méditatifs qui, en m’étudiant, cherchent à s’instruire ! Car ma manière d’être retient ceux qui entendent la voix de la raison.

Mais je me console d’être si souvent méconnue, en