Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
les mille nuits et une nuit

Je me désaltère à chaque instant dans mon calice, qui est pour moi un vêtement de pureté. Une tige d’émeraude me sert de base, et l’or et l’argent forment ma robe.

Lorsque je réfléchis sur mes imperfections, je ne puis m’empêcher de baisser avec confusion mes yeux vers la terre. Et lorsque je médite sur ce que je dois devenir un jour, mon teint change de couleur.

Je veux donc, par l’humilité de mes regards, confesser mes défauts et me faire pardonner mes clignements d’yeux.

Et si je baissé souvent la tête, ce n’est point pour me mirer dans les eaux et m’admirer, mais c’est pour considérer le moment cruel de ma fin.

« Et maintenant, si vous le voulez bien, ô mes maîtres et mes maîtresses, je vous dirai le Chant de la Violette. Le voici :

« Je suis habillée du manteau d’une feuille verte, et d’une robe d’honneur ultra-marine. Je suis une toute petite chose d’un aspect délicieux.

Que la rose s’appelle Orgueil du matin ! Moi, j’en suis le mystère.

Mais qu’elle est digne d’envie, ma sœur la rose, qui vit de la vie des heureux et qui meurt martyre de sa beauté !

Moi, je me fane dès mon enfance, consumée de chagrin, et je nais vêtue de deuil.

Qu’ils sont courts les instants où je jouis d’une vie agréable ! Hélas ! hélas ! qu’ils sont longs les instants où je végète sèche et dépouillée de mes robes de feuilles.