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les mille nuits et une nuit

accordai, non sans beaucoup de soupirs, la permission du départ. Et, en conséquence, il prit congé de moi et s’en alla à la recherche de sa destinée.

« Et il arriva dans les contrées profondes où régnait le roi Qâmous, et se présenta au palais où résidait la princesse Mohra, et ne put répondre à la question dont je t’ai parlé, ô étranger. Et la princesse lui fit trancher la tête sans pitié, et la fit accrocher au pinacle de son palais. Et moi, à cette nouvelle, je pleurai toutes les larmes du désespoir. Et, vêtu d’habits de deuil, je restai enfermé avec ma douleur pendant quarante jours. Et mes intimes couvrirent leur tête de poussière. Et nous déchirâmes le vêtement de la patience. Et tout le palais retentit des cris de deuil et d’un bruit pareil à celui de la résurrection.

« Alors mon second fils, de sa propre main, appliqua sur mon cœur la seconde blessure du chagrin, en avalant, comme son frère, la boisson de la mort. Car, comme son aîné, il avait voulu tenter l’entreprise. Puis ce fut au tour des cinq autres enfants, qui, de la même manière, se mirent en route vers le chemin du trépas, et périrent martyrs du sentiment de l’amour.

« Et moi, mordu inguérissablement par le destin noir, et abattu par une douleur sans espoir, j’abandonnai la royauté et mon pays, et je sortis errant sur la voie de la fatalité. Et je traversai, comme le somnambule, les plaines et les déserts. Et j’arrivai, comme tu me vois, la couronne sur la tête et les pieds nus, à l’angle où je suis, attendant la mort sur ce trône. »