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histoire de la jouvencelle…
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rire si prodigieux qu’on crut d’abord qu’une violente tempête s’était engouffrée dans la salle.

Et le repas s’acheva de la sorte, au milieu du rire général des chefs des genn. Et lorsque tout le monde se fut lavé les mains, on apporta les flacons des vins. Et le cheikh Éblis s’approcha de Tohfa, et lui dit : « Ô ma maîtresse, tu réjouis cette salle et l’illumines et l’embellis de ta présence. Mais dans quelle exaltation ne serions-nous pas, reines et rois, si tu voulais bien nous faire entendre quelque chose sur ton luth, en l’accompagnant de ta voix. Car voici la nuit qui a déjà ouvert ses ailes pour le départ, et elle ne les étendra pas longtemps encore. Avant donc qu’elle nous quitte, favorise-nous, ô Chef-d’œuvre des Cœurs ! » Et Tohfa répondit : « Ouïr c’est obéir ! » Et elle prit le luth et en joua merveilleusement, de sorte qu’il sembla à ceux qui l’écoutaient que le palais dansait avec eux, comme un navire sur ses ancres, et cela par l’effet de la musique. Et elle chanta ces vers :

« La paix sur vous tous qui êtes mes fidèles par serment.

N’aviez-vous pas dit que je vous rencontrerais, ô vous qui me rencontrez ?

Je vous ferai des reproches d’une voix plus douce que la brise du matin, plus fraîche que l’eau pure cristallisée.

Car mes paupières, fidèles aux larmes, sont toutes meurtries, alors que la sincérité essentielle de mon âme est une cure pour ceux qui la voient, ô mes amis ! »