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les mille nuits et une nuit

Après qu’elles eurent lu ces vers, elles touchèrent aux mets. Mais Tohfa ne mangeait point avec appétit, car elle était préoccupée de la vue des deux chefs de genn qui avaient un visage repoussant. Et elle ne put s’empêcher de dire à Kamariya : « Par ta vie, ô ma sœur, mes yeux ne peuvent plus souffrir la vue de celui-ci qui est là, et de cet autre qui est à côté de lui ! Pourquoi sont-ils si horribles, et qui sont-ils ? » Et Kamariya se mit à rire et répondit : « Ô ma maîtresse, celui-ci est le chef Al-Schisbân, et cet autre est le très grand Maïmoun, le porte-glaive. Si tu les trouves si laids, c’est parce qu’ils n’ont pas voulu, à cause de leur orgueil, faire comme nous toutes, et comme tous les genn, changer leur forme première pour celle d’êtres humains. Car sache que tous les chefs que tu vois sont, en leur état ordinaire, semblables à ces deux-là pour la forme et pour l’aspect ; mais aujourd’hui, pour ne point te faire peur, ils ont revêtu une apparence de fils d’Adam, de façon à ce que tu puisses te familiariser avec eux et te sentir bien à ton aise. » Et Tohfa répondit : « Ô ma maîtresse, en vérité, je ne peux pas les regarder. Surtout ce Maïmoun, qu’il est effrayant ! Véritablement j’ai peur de lui ! Oui, j’ai bien peur de ces deux jumeaux-là ! » Et Kamariya ne put s’empêcher de rire aux éclats. Et Al-Schisbân, l’un des deux chefs à face épouvantable, la vit qui riait et lui dit : « Pourquoi ces rires, ô Kamariya ? » Et elle lui parla en une langue que nulle oreille de fils d’Adam ne pouvait saisir, et lui expliqua ce que Tohfa avait dit à son sujet et au sujet de Maïmoun. Et le maudit Al-Schisbân, au lieu de se fâcher, se mit à rire d’un