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les mille nuits et une nuit

avec elle jusqu’à ce qu’ils arrivassent à l’entrée des cabinets.

Or les cabinets, et quelquefois les puits et les citernes, sont les seuls endroits dont se servent les genn de dessous terre et les éfrits, pour venir à la surface de la terre. Et c’est pour ce motif que nul homme n’entre dans les cabinets sans prononcer la formule de l’exorcisme, et sans se réfugier par l’esprit en Allah. Et de même qu’ils sortent par les latrines, les genn rentrent chez eux par là même. Et on ne connaît pas d’exception à cette règle et de refus à cette coutume.

Aussi quand l’épouvantée Tohfa se vit devant les cabinets avec le cheikh Éblis, sa raison s’envola. Mais Éblis se mit à bavarder pour l’étourdir, et descendit avec elle dans le sein de la terre, par le trou béant des latrines. Et, ce passage difficile franchi sans encombre, on arriva à un passage souterrain creusé en voûte. Et lorsqu’on eut traversé ce passage, on se trouva soudain au dehors, sous le ciel. Et, à la sortie du souterrain, un cheval sellé les attendait, sans maître ni conducteur. Et le cheikh Éblis dit à Tohfa : « Bismillah, ô ma maîtresse ! » Et, tenant les étriers, il la fit monter sur le cheval dont la selle avait un grand dossier. Et elle s’installa le mieux qu’elle put, et le cheval aussitôt se mut comme une vague sous elle, et étendit tout à coup d’immenses ailes dans la nuit. Et il s’éleva avec elle dans les airs, tandis que le cheikh Éblis volait, par ses propres moyens, à son côté. Et de tout cela elle eut si peur qu’elle s’évanouit, renversée sur la selle.