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histoire de la jouvencelle…
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rés à sa beauté. » Et le khalifat, qui n’était jamais en défaut de munificence, se tourna vers Giafar et lui dit : « Ô Giafar, tu compteras sur l’heure à notre fidèle Ishak, sur le trésor, cent mille dinars ; et tu lui donneras dix robes d’honneur de la garde-robe choisie ! »

Puis Al-Rachid, la figure épanouie, et l’esprit libéré de tous soucis, se dirigea vers l’appartement réservé où Tohfa avait été conduite par le porte-glaive. Et il entra auprès de l’adolescente, en disant : « La sécurité sur toi, ô Chef-d’œuvre des Cœurs ! » Et il s’approcha d’elle, et la prit dans ses bras, derrière le voile du mystère. Et il la trouva une pure vierge, intacte comme la perle marine nouvellement cueillie. Et il se réjouit d’elle.

Et, dès ce jour, Tohfa prit un rang très haut dans son cœur, tellement qu’il ne put souffrir son absence un seul instant. Et il finit même par mettre entre ses mains les clefs de toutes les affaires du royaume. Car il avait trouvé en elle une femme d’intelligence. Et elle eut, pour son train habituel, deux cent mille dinars par mois, et cinquante jeunes filles esclaves pour son service de jour et de nuit. Et elle eut, en cadeaux et choses de prix, de quoi acheter tout le pays de l’Irak et les terres du Nil.

Et l’amour de cette adolescente s’incrusta tellement dans le cœur du khalifat, qu’il ne voulut se fier à personne pour sa garde. Et quand il sortait de chez elle, il gardait sur lui la clef de l’appartement réservé. Et même, un jour, comme elle chantait devant lui, il fut dans un tel excès d’exaltation, qu’il fit le geste de lui baiser la main. Mais elle recula d’un bond, et,