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histoire de la jouvencelle…
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Et Tohfa prit le luth des mains du petit esclave noir, et s’assit au pied du trône du khalifat, pour aussitôt préluder de manière à sensibiliser l’oreille la plus réfractaire. Et le miracle de ses doigts était une réalité plus émouvante que la gorge des oiseaux. Puis, au milieu des respirations arrêtées, elle laissa chanter sur ses lèvres ces vers du poète :

« Quand, aux limites de l’horizon, la jeune lune sort de son lit et se rencontre soudain avec le roi de pourpre qui se couche,

Toute honteuse d’être surprise sans voile de visage, elle cache sa pâleur sous un léger nuage.

Elle attend que le brillant émir ait disparu, pour continuer sa promenade dans le ciel tranquille du soir.

Si la reine n’a pu surmonter sa terreur devant l’approche du roi, comment une jeune fille, sans mourir sur l’heure, soutiendrait-elle le regard de son sultan ? »

Et Al-Rachid regarda la jeune fille avec amour, complaisance et douceur, et fut si charmé de ses dons naturels, de la beauté de sa voix, et de l’excellence de son jeu et de son chant, qu’il descendit de son trône et vint s’asseoir près d’elle sur le tapis, et lui dit : « Ô Tohfa, par Allah ! tu es vraiment un don choisi. » Puis il se tourna vers Ishak, et lui dit : « En vérité, ô Ishak, tu n’as pas été assez juste dans ton appréciation de cette merveille, malgré tout ce que tu nous en as dit. Car je ne crains pas d’avancer qu’elle te surpasse toi-même, sans conteste. Et il était écrit que personne ne devait lui rendre justice, sinon