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les mille nuits et une nuit

lui qui jusqu’à présent pensait n’avoir point d’égal. Car, par le Prophète ! — sur Lui la prière et la paix ! — je jure que je croyais jusqu’à présent n’avoir point d’égal, et que maintenant mon art, à côté du tien, n’est qu’un drachme à côté d’un dinar. Ô Tohfa, tu es l’excellence même. Et je vais, à l’heure et à l’instant, te conduire à l’émir des Croyants Haroun Al-Rachid. Et quand son regard étincellera sur toi, tu deviendras une princesse entre les femmes, comme déjà tu es une reine entre les créatures de Dieu. Et ainsi seront consacrés ton art et ta beauté. C’est pourquoi louanges et louanges à toi, ô ma souveraine Chef-d’œuvre des Cœurs ! Et fasse Allah seulement, quand ton merveilleux destin t’aura assise à la place de choix dans le palais de l’émir des Croyants, que tu ne chasses point de ton souvenir ton esclave Ishak le noyé ! » Et Tohfa, les yeux pleins de larmes, répondit : « Ô mon seigneur, comment t’oublierais-je, toi qui es la source de toute fortune, et la force même de mon cœur ? » Et Ishak lui prit la main et lui fit jurer sur le Livre qu’elle ne l’oublierait pas. Et il ajouta : « Oui, certes ! ta destinée est une merveilleuse destinée, et sur ton front je vois marqué le désir de l’émir des Croyants. Aussi laisse-moi te prier de chanter en présence du khalifat ce que tout à l’heure tu chantais pour toi seule, alors que derrière la porte je t’entendais, me croyant déjà au nombre des prédestinés. »

Et, ayant eu la promesse de la jeune fille, il lui dit encore : « Ô Chef-d’œuvre des Cœurs, peux-tu maintenant, comme une dernière faveur, me dire par quelle suite d’événements mystérieux une reine