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les mille nuits et une nuit

elle leva la tête et laissa tomber de ses lèvres, en chantant, ces vers du poète :

« Quand l’âme désire celle qui est la seule compagne possible, rien ne saurait la faire reculer, pas même le destin.

Ô toi, dont les tortures ont à jamais abîmé mon cœur, prends ma vie tout entière et fais-en ta propriété, puisque, seule, la langueur de ton absence peut m’abattre et me faire mourir.

Tu m’as dit, en riant : « Moi seule saurai guérir le mal dont tu souffres, alors qu’aucun médecin n’a su te délivrer ; et un seul de mes regards suffirait comme remède à ton état dolent. »

Combien de temps encore, ô cruelle, vas-tu rail1er ma blessure ? Le Seigneur n’a-t-il créé personne d’autre que moi sur la terre immense, comme cible aux javelots de ta raillerie. »

Or, pendant qu’elle chantait, Ishak, qui depuis le matin se trouvait auprès du khalifat, était rentré sans avoir fait prévenir les serviteurs de son arrivée. Et, dès qu’il fut dans le vestibule de sa maison, il entendit la voix qui chantait, miraculeuse et si douce, telle la brise du premier matin quand elle salue les palmiers, et plus fortifiante pour l’esprit de l’écouteur que l’huile des amandes pour le corps du lutteur.

Et Ishak fut si ému aux accents de cette voix mêlée à l’accompagnement du luth, et qui ne pouvait être, sans aucun doute, une voix d’entre les voix de la terre, mais quelque fusée venue des