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les mille nuits et une nuit

son nom, ô mon maître, nous l’appelons Tohfat Al-Kouloub, Chef-d’œuvre des Cœurs ! Car, en vérité, nulle autre appellation ne saurait lui convenir. Quant à ce qui est de son prix, je dois te dire qu’il a été bien des fois débattu entre moi et les riches amateurs qui se présentaient à tour de rôle, séduits par ses yeux. Il est, pour le moins, de dix mille dinars. Et je dois ajouter, afin que tu le saches, que c’est elle qui a jusqu’ici empêché les acheteurs de pousser plus loin les avances. Car chaque fois que je lui faisais voir, selon sa demande, le visage de ceux qui se présentaient pour l’achat, elle me répondait, sachant que je ne la vendrais pas sans son propre consentement : « Celui-ci me déplaît pour telle et telle chose, et de cet autre je ne saurais jamais m’arranger, à cause de telle et de telle autre chose ! » Et c’est de cette manière qu’elle a fini par complètement éloigner d’elle les acheteurs ordinaires et décourager les étrangers. Car tous avaient fini par savoir d’avance qu’elle remarquerait en eux quelque grave défaut ou imperfection ; et nul n’osait affronter ses remarques désobligeantes. C’est pourquoi l’honnêteté me force à ne te demander, pour prix de cette esclave adolescente, que la somme de dix mille dinars : ce qui me couvre à peine de mes frais. » Et Ishak sourit, et dit : « Ô cheikh, ajoute encore deux fois dix mille dinars à ceux que tu demandes, et elle aura atteint peut-être le prix qui convient. »

Et, ayant ainsi parlé devant le marchand stupéfait, il ajouta : « Il faut que tu conduises aujourd’hui même l’adolescente à ma demeure, afin qu’on te