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les mille nuits et une nuit

leur ville, ils convinrent de prier Si-Goha de les tirer d’une si cruelle perplexité. Et aussitôt Si-Goha fit apporter toute la mousseline disponible dans les souks, et s’en fabriqua un turban de la grandeur d’une roue de char. Puis il monta sur son âne, et sortît de la ville à la rencontre de Timour. Et, lorsqu’il fut en sa présence, le Tartare remarqua ce turban extraordinaire, et dit à Goha : « Qu’est-ce donc que ce turban ? » Et Goha répondit : « Ô souverain du monde, c’est mon bonnet de nuit, et je te supplie de m’excuser si je suis venu entre tes mains avec ce bonnet de nuit, mais, dans un instant, je vais avoir mon bonnet de jour qui arrive par derrière, chargé sur un chariot loué exprès. » Alors Timour-Lenk, épouvanté de l’énorme coiffure des habitants, ne passa point par cette ville. Et, pris de sympathie pour Goha, il le retint près de lui, et lui demanda : « Qui es-tu ? » Et Goha répondit : « Je suis, tel que tu me vois, le dieu de la terre ! » Et Timour, qui était de race tartare, était en ce moment entouré de quelques jeunes garçons, qui étaient des plus beaux de sa nation, et qui avaient, comme il convient à leur race, les yeux fort petits et bridés. Et il dit à Goha, en lui montrant ces enfants : « Eh bien, ô dieu de la terre, trouves-tu à ton goût ces jolis enfants que voici ? Et leur beauté a-t-elle son égale ? » Et Goha dit : « Ce n’est point pour te déplaire, ô souverain du monde, mais je trouve que ces enfants ont de trop petits yeux, et, par là même, leur visage manque de grâce. » Et Timour lui dit : « Qu’à cela ne tienne ! Et puisque tu es le dieu de la terre, fais-moi le plaisir de leur agrandir les yeux ! » Et Goha