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les mille nuits et une nuit

d’or, pas un de plus, pas un de moins, car j’en ai besoin. Mais si, par l’effet de Ta générosité, le chiffre de cent est dépassé, ne fût-ce que d’un seul dinar, ou si, à cause de mon manque de mérite, il manque un seul dinar aux cent que je te demande, je n’accepterai pas le don ! »

Or, parmi les voisins de Goha, il y avait un juif enrichi — la richesse nous vient d’Allah ! — par toutes sortes d’affaires repréhensibles — qu’il soit enseveli dans les feux du cinquième enfer ! — Et ce juif entendait tous les jours Goha qui faisait cette prière à haute voix devant sa porte. Et il pensa en lui-même : « Par la vie d’Ibrahim et de Yâcoub ! je vais faire l’essai de l’or sur Goha ! Et je verrai bien comment il va se tirer de l’épreuve. » Et il prit une bourse contenant quatre-vingt-dix-neuf dinars d’or neuf, et la jeta de sa fenêtre aux pieds de Goha qui faisait sa prière accoutumée, debout devant le seuil de sa maison. Et Goha ramassa la bourse, tandis que le juif le surveillait pour voir quelle allait bien être l’affaire. Et il vit Goha délier les cordons de la bourse, en vider le contenu dans son giron, et compter les dinars un par un. Puis il entendit Goha qui, ayant constaté qu’il manquait un dinar sur les cent qu’il avait demandés, s’écriait, en élevant ses mains vers son Créateur : « Ô Généreux, loué sois-tu pour tes bienfaits, et remercié et glorifié ! mais le don n’est pas complet ; et, à cause de mon vœu, je ne puis l’accepter tel qu’il est. » Et il ajouta : « C’est pourquoi je vais en gratifier ce juif, mon voisin, qui est un homme pauvre, chargé de famille et un modèle pour l’honnêteté. » Et, ce disant, il prit la bourse