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les mille nuits et une nuit

nies ! » Et moi, sur le même ton, je répondis : « La bénédiction d’Allah ne fait point défaut à Ses Croyants, ô voisin. Mais j’espère que les affaires dans le souk des joailliers te sont favorables. » Et il me dit : « Par la vie d’Ibrahim et de Yacoub, ô voisin, elles périclitent ! elles périclitent ! Et c’est à peine si nous avons de quoi manger du pain et du fromage. » Et nous continuâmes à parler de la sorte, pendant un bon moment, sans aborder la question qui seule nous intéressait, jusqu’à ce que le juif, voyant qu’il n’obtenait rien de moi par ce moyen, finît par me dire, le premier : « La fille de mon oncle, ô voisin, m’a parlé d’un certain œuf de verre, d’ailleurs sans grande valeur, qui sert de jouet à tes enfants, et tu sais que lorsqu’une femme est enceinte, comme l’est la mienne, des désirs lui viennent qui sont étranges et bizarres. Mais malheureusement il nous faut satisfaire ces désirs, même s’ils sont irréalisables, faute de quoi l’objet désiré pourrait s’imprimer sur le corps de l’enfant et le déformer. Et, dans le cas actuel, comme le désir de ma femme s’est porté sur cet œuf de verre, je crains beaucoup, si je ne la satisfais pas, de voir cet œuf se reproduire avec toute sa grosseur sur le nez de notre enfant, à sa naissance, ou sur telle autre partie plus délicate encore et que la décence m’empêche de nommer. Je te prie donc, ô voisin, de me montrer d’abord cet œuf de verre, et, au cas où je verrais qu’il m’est impossible d’en acquérir un pareil au souk, de vouloir bien me le céder, moyennant tel prix raisonnable que tu m’indiquerais, sans trop profiter de la situation. »

Et moi, à ces paroles du juif, je répondis : « J’é-