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les rencontres… (le cheikh…)
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Et je lui en fis la promesse. Et elle s’en alla.

Or, moi, ô émir des Croyants, après ce débat, je ne doutai plus que cet œuf que je croyais être de verre ne fût une gemme d’entre les gemmes de la mer, tombée de la couronne de quelque roi marin. Et d’ailleurs je savais, comme tout le monde, quels trésors gisent dans les profondeurs, dont se parent les filles de la mer et les reines de la mer. Et cette trouvaille était pour me confirmer dans ma croyance. Et je glorifiai le Rétributeur qui, par l’entremise du poisson du pêcheur, avait mis entre mes mains ce merveilleux échantillon des parures des adolescentes marines. Et je résolus de ne point démordre du chiffre de cent mille dinars, que j’avais fixé à la femme du juif, tout en pensant que j’aurais mieux fait de ne point me hâter de fixer de la sorte mon estimation, alors que j’aurais pu, peut-être, en obtenir davantage du joaillier juif. Mais comme j’avais fixé ce chiffre solennellement, je ne voulus point me dédire, et me promis de m’en tenir à ce que j’avais indiqué.

Et, comme je l’avais prévu, le joaillier juif, en personne, ne tarda pas à se présenter chez moi. Et il avait un air retors qui ne m’annonçait vraiment rien de bon, et m’avertissait plutôt que le fils des cochons allait se servir de toute sa rouerie pour me subtiliser la gemme, comme si de rien n’était. Et moi, de mon côté, je me mis sur mes gardes, tout en prenant l’air le plus souriant et le plus accueillant, et je le priai de prendre place sur la natte. Et, après les salams et salutations d’usage, il me dit : « J’espère, ô voisin, que le chanvre n’est pas trop cher, ces temps-ci, et que les affaires de ta boutique sont bé-