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les mille nuits et une nuit

le geste de l’ouvrir et, comme se ravisant tout d’un coup, se tourna vers moi et me dit : « La dernière parole ! Cent dinars d’or ! Et encore je ne sais si mon mari voudra m’accorder cette formidable somme ! »

Et moi je condescendis alors à répondre et je lui dis, non sans un air de profond détachement : « Ce n’est pas pour te voir t’en aller mécontente, ô voisine, mais tu es bien loin de compte. Car cet œuf de verre, dont tu m’offres ce prix dérisoire de cent dinars, est une chose merveilleuse, et son histoire est aussi merveilleuse que lui-même. C’est pourquoi, et uniquement pour te faire plaisir à toi et à notre voisin, et ne point faire rentrer le désir d’une femme enceinte, je me bornerai à réclamer, comme prix de cet œuf lumineux, la somme de cent mille dinars d’or, pas un de plus, pas un de moins. Et c’est à prendre ou à laisser, car d’autres joailliers m’en offriront davantage, qui sont plus au courant que ton mari de la valeur réelle des belles choses uniques ! Quant à moi, je jure devant Allah l’Omniscient que je ne reviendrai point sur cette estimation, soit pour l’augmenter, soit pour la diminuer. Ouassalam ! »

Lorsque la femme du juif eut entendu ces paroles et qu’elle en eut compris la signification, elle ne trouva rien à répliquer, et me dit, en s’en allant : « Moi, je ne vends point ni n’achète. Mais c’est mon mari qui est la tête. Si la chose lui convient, il t’en parlera. Promets-moi seulement d’avoir la patience, avant d’engager avec d’autres des pourparlers, d’attendre qu’il ait vu lui-même cet œuf de verre ! »