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les mille nuits et une nuit

n’est-ce point les mépriser que de repousser le pain que je t’offre pour un morceau de verre ! Mais, puisque c’est pour le bien de tes enfants, sache que j’ai parlé à mon mari de cet œuf-là, et il a consenti, parce que je suis enceinte et qu’il ne faut pas que le désir des femmes enceintes rentre en elle inexaucé, à me laisser t’offrir vingt dinars d’or, en or neuf, en échange de ton morceau de verre ! »

Mais ma femme, qui avait reçu mes instructions à ce sujet, répondit : « Eh, ouallah ! ô voisine, tu me fais rentrer en moi-même. Mais moi je n’ai point de parole à la maison, c’est le fils de mon oncle qui est le maître de la maison et de son contenu, et c’est à lui qu’il faut s’adresser. Attends donc son retour pour lui faire ton offre ! »

Et donc, lorsque je fus rentré, la juive me répéta ce qu’elle avait dit à mon épouse, et ajouta : « Je t’apporte le pain de tes enfants, ô homme, pour un morceau de verre. Mais mon désir de femme enceinte doit être satisfait, et mon époux ne veut pas charger sa conscience de la rentrée du désir des femmes enceintes. C’est pourquoi il a consenti à me laisser te proposer cet échange et cette vente, avec une si grande perte pour lui ! »

Et moi, ô mon seigneur, ayant laissé cette juive me débiter tout ce qu’elle voulait me débiter, je pris mon temps pour lui répondre, et je finis, pour toute réponse, par la regarder sans dire un mot, en hochant simplement la tête.

À cette vue, la fille des juifs devint bien jaune de teint, me regarda avec des yeux pleins de défiance et me dit : « Prie sur ton Prophète, ô musulman ! »