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les rencontres… (le cheikh…)
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à mon épouse : « Ô ma voisine Aischah, remercie Allah qui m’a conduite aujourd’hui chez toi. Car, comme ce morceau de verre me plaît, et que j’ai un morceau de verre à peu près semblable dont je me pare quelquefois et qui ferait la paire avec celui-ci, j’aimerais te l’acheter, et je t’en offre, sans marchander, l’énorme somme de dix dinars en or neuf ! » Mais nos enfants, qui entendirent parler de vendre leur jouet, se mirent à pleurer, en priant leur mère de le leur garder. Et pour les apaiser, et parce qu’aussi cet œuf nous tenait lieu de lampe, elle éluda l’offre si tentante, au grand dépit de la juive qui s’en alla fort marrie.

Sur ces entrefaites, je rentrai de mon travail, et ma femme me mit au courant de ce qui venait de se passer. Et je lui répondis : « Certes, ô fille de l’oncle, si cet œuf de verre n’avait pas quelque valeur, cette fille des juifs ne nous aurait pas offert cette somme de dix dinars. Je prévois donc qu’elle reviendra à la charge, pour nous en offrir davantage. Mais, suivant ce que je verrai, je tiendrai bon, afin de faire monter l’offre. » Et cela me fit aussitôt penser aux paroles de Si Saâdi qui m’avait prédit qu’un morceau de plomb pouvait faire sûrement la fortune d’un homme, si telle était sa destinée. Et j’attendis en toute confiance que ma destinée se montrât enfin, après m’avoir fui si longtemps.

Or, le soir même, selon mes prévisions, la juive, épouse du joaillier, vint faire une seconde visite à mon épouse ; et, après les salams et salutations d’usage, elle lui dit : « Ô ma voisine Aischah, comment peux-tu mépriser les dons du Rétributeur ? Et