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les mille nuits et une nuit

jouet, et qu’ils ne gênassent pas leur mère qui préparait l’excellent poisson.

Or, le soir, au moment du repas, ma femme s’aperçut que bien qu’elle n’eût pas encore allumé sa lampe à huile, une lumière, qu’elle n’avait pas elle-même produite, éclairait la chambre. Et elle regarda de tous côtés pour voir d’où venait cette lumière, et elle vit qu’elle était projetée par l’œuf de verre laissé à terre par les enfants. Et elle prit cet œuf, et le posa sur le bord de l’étagère, à la place ordinaire de la lampe. Et nous fûmes à la limite de l’étonnement en voyant la vivacité de la lumière qui en sortait, et je m’écriai : « Par Allah ! ô fille de l’oncle, voici que le morceau de plomb de Si Saâdi non seulement nous nourrit, mais nous éclaire, et nous épargnera désormais l’achat de l’huile à brûler. »

Et, à la clarté merveilleuse de cet œuf de verre, nous mangeâmes le délectable poisson, en nous entretenant de notre double aubaine en ce jour béni, et en glorifiant le Rétributeur pour Ses bienfaits. Et nous nous couchâmes, cette nuit-là, satisfaits de notre sort, et ne souhaitant rien de mieux que la continuation d’un tel état de choses.

Or, le lendemain, le bruit de notre découverte de ce verre lumineux dans le ventre du poisson, ne tarda pas, grâce à la longue langue de la fille de l’oncle, à se répandre dans le quartier. Et bientôt ma femme reçut la visite d’une juive de nos voisines, dont le mari était joaillier dans le souk. Et, après les salams et salutations de part et d’autre, la juive, après avoir longtemps considéré l’œuf de verre, dit