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les mille nuits et une nuit

répondis à la voisine que j’en avais précisément un morceau qui pourrait faire l’affaire, et j’allai chercher à tâtons le morceau en question, et le remis à ma femme afin qu’elle le donnât elle-même à la voisine.

Et la pauvre femme, ravie de n’être pas venue en vain et de ne pas rentrer sans résultat à sa maison, dit à ma femme : « Ô notre voisine, c’est là un bien grand service que le cheikh Hassân nous rend cette nuit. Aussi, en retour, tout le poisson que mon époux amènera du premier jet de ses filets sera écrit à votre chance, et nous vous l’apporterons demain sur notre tête ! » Et elle se hâta d’aller remettre le morceau de plomb à notre voisin le pêcheur qui en accommoda aussitôt ses filets, et partit pour la pêche deux heures avant le jour, selon la coutume.

Or, le premier coup de filet, à notre chance, n’amena qu’un seul poisson. Mais ce poisson était long de plus d’une coudée, et gros à proportion. Et il nous le mit de côté dans son panier, et continua sa pêche. Mais de tout le poisson qu’il amena pas un n’égalait le premier en beauté et en grosseur. Aussi, quand il eut achevé sa pêche, son premier soin, avant d’aller vendre au souk le produit de sa pêche, fut de mettre le poisson réservé sur une couche de feuillage odorant et de nous l’apporter, en nous disant : « Qu’Allah vous le rende délicieux et réjouissant ! » Et il ajouta : « Je vous prie d’agréer ce don, bien qu’il ne soit pas suffisant et convenable. Et excusez-nous du peu, ô voisins ! Car c’est là votre chance, et c’est là tout mon premier coup de filet. » Et moi je répondis : « C’est là un marché où tu es notre dupe,