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les rencontres… (le cheikh…)
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rechange sous la main, et que ce n’était guère l’heure d’aller en acheter au souk, vu que toutes les boutiques étaient fermées, il fut dans une grande perplexité en songeant que s’il ne partait pas à la pêche deux heures avant le jour, il n’aurait pas de quoi nourrir sa famille le lendemain. Et il se décida alors à dire à sa femme d’aller, malgré l’heure inopportune et le dérangement, réveiller ses plus proches voisins, et leur exposer la situation en les priant de lui trouver un morceau de plomb qui suppléât à celui qui manquait à son filet.

Et comme nous étions précisément les plus proches voisins du pêcheur, la femme vint frapper à notre porte, tout en pensant, sans doute : « Je veux bien essayer de demander du plomb à Hassân le cordier, bien que je sache par expérience que c’est justement chez lui qu’il faut aller quand on n’a besoin de rien. » Et elle continua à frapper à la porte, jusqu’à ce que je fusse réveillé. Et je criai : « Qui est à la porte ? » Elle répondit : « C’est moi, la fille de l’oncle du pêcheur un tel, ton voisin ! Ô Hassân, mon visage est noirci de te déranger de la sorte dans ton sommeil, mais il s’agit du gagne-pain du père des enfants, et j’ai contraint mon âme à cet acte d’incivilité. Excuse-nous, de grâce ! et dis-moi, afin que je ne te retienne pas plus longtemps hors de ton lit, si tu n’as pas un morceau de plomb à prêter à mon époux pour qu’il en accommode ses filets. »

Et aussitôt je me rappelai le morceau de plomb que m’avait donné Si Saâdi, et je pensai : « Par Allah ! je ne saurais mieux l’utiliser qu’en rendant service à mon voisin, le père des enfants. » Et je