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les rencontres… (le cheikh…)
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tienne, ô généreux Saâd ! Tu n’as pas hésité, pour faire triompher ton opinion, à jeter quatre cents dinars moitié à un épervier et moitié à un vendeur de terre à décrasser les cheveux. Eh bien, pour ma part, je ne serai pas aussi généreux que tu l’as été. Mais je veux seulement, à mon tour, essayer de te prouver que le jeu du destin est la seule règle de notre vie, et que les décrets du destin sont les seuls éléments de chance ou de malechance sur lesquels nous puissions compter. » Puis il se tourna vers moi et, me montrant un gros morceau de plomb qu’il venait de ramasser à terre, il me dit : « Ô Hassân que la chance a fui jusqu’à présent, je voudrais bien te venir en aide, comme l’a fait mon généreux ami Si Saâd. Mais Allah ne m’a pas favorisé d’autant de richesses, et tout ce que je puis te donner c’est ce morceau de plomb, qu’a sans doute perdu quelque pêcheur en traînant à terre ses filets. »

À ces paroles de Si Saâdi, son ami Si Saâd se mit à rire aux éclats, croyant qu’il voulait me faire quelque plaisanterie. Mais Si Saâdi n’y prêta pas attention, et me tendit, d’un air grave, le morceau de plomb, en me disant : « Prends-le, et laisse rire Si Saâd. Car un jour viendra où ce morceau de plomb, si tel est le décret du destin, te sera plus utile que tout l’argent des mines. »

Et moi, sachant quel homme de bien était Si Saâdi, et combien grande était sa sagesse, je ne voulus point le froisser en faisant la moindre observation. Et je pris le morceau de plomb qu’il me tendait, et le serrai soigneusement dans ma ceinture vide de toute monnaie. Et je ne manquai pas de le remercier cha-