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les mille nuits et une nuit

Et, pour que mon supplice et ma gêne ne durassent pas longtemps, je ne voulus même pas attendre qu’ils me questionnassent, et je me tournai résolument vers Si Saâd et lui racontai, tout d’une haleine, le second malheur qui m’était arrivé, à savoir le troc fait par ma femme de la jarre de son, où j’avais caché la bourse, contre un peu de terre à décrasser les cheveux. Et, m’étant soulagé quelque peu de la sorte, je baissai les yeux, regagnai ma place et repris mon travail en attachant de nouveau l’écheveau de chanvre à mon orteil gauche. Et je pensai : « J’ai dit ce que j’avais à dire. Et Allah seul sait ce qui arrivera ! »

Or, loin de se fâcher contre moi ou de m’injurier, en me traitant de menteur et d’homme de mauvaise foi, Si Saâd sut se contenir, sans rien trahir du dépit où il était de voir que la destinée lui donnait tort avec une telle persistance. Et il se contenta de me dire : « Après tout, Hassân, il est possible que tout ce que tu me racontes là soit la vérité, et que véritablement la seconde bourse soit partie, comme était partie sa sœur. Pourtant, en vérité, il est quelque peu étonnant que l’épervier et le vendeur de terre à décrasser se soient trouvés là juste au moment précis où tu étais distrait ou absent, pour enlever ce qui était si bien caché. Quoi qu’il en soit, je renonce désormais à tenter de nouvelles expériences ! » Puis il se tourna vers Si Saâdi, et lui dit : « Mais, ô Saâdi, je ne persiste pas moins à penser que sans argent rien n’est possible, et qu’un pauvre restera pauvre tant qu’il n’a pas, par son travail, forcé le destin à lui être favorable. »

Mais Si Saâdi répondit : « Quelle erreur est la