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les mille nuits et une nuit

pas cette somme dans ton turban. » Et, comme déjà je lui prenais les mains pour les porter à mes lèvres, il me quitta et s’en alla avec son ami.

Or, moi, je ne repris pas mon travail après leur départ, et je me hâtai de fermer la boutique et de rentrer à la maison, sachant qu’à cette heure je ne risquais pas d’y rencontrer ma femme et les enfants. Et je mis à part dix dinars d’or, sur les deux cents, et j’enveloppai les cent quatre-vingt-dix autres dans un linge que je nouai. Et il ne s’agissait plus que de trouver le lieu sûr où cacher ce dépôt. Aussi, après y avoir longtemps réfléchi, je m’avisai de le mettre au fond d’une jarre pleine de son, où je m’imaginais bien que personne ne songerait à aller le chercher. Et, ayant replacé la jarre dans son coin, je sortis, tandis que ma femme rentrait pour préparer le repas. Et je lui dis, en la quittant, que j’allais faire une emplette de chanvre, mais que je serais rentré pour l’heure du repas.

Or, pendant que j’étais dans le souk pour faire cette emplette, un vendeur de cette terre à décrasser les cheveux dont les femmes se servent au hammam, vint à passer par la rue et se fit annoncer par son cri. Et ma femme, qui depuis longtemps ne s’était décrassé les cheveux, appela le vendeur. Mais comme elle n’avait point d’argent sur elle, elle ne savait comment faire pour le payer, et elle pensa, se disant en elle-même : « Cette jarre de son, qui est ici depuis longtemps, ne nous est pour le moment d’aucune nécessité. Je vais donc la donner au vendeur en échange de sa terre à décrasser les cheveux. » Et il en fut ainsi. Et le vendeur, ayant consenti à ce