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les mille nuits et une nuit

plaisir de la satisfaction que je vais avoir en te rendant témoin de la réussite de notre expérience ! Tu vas voir en lui un si grand changement, que nous aurons de la peine à le reconnaître. » Et, comme ils étaient déjà tout proches de la boutique, Si Saâdi répondit en souriant : « Il me semble, par Allah ! ô mon ami Saâd, que tu manges le concombre avant sa maturité. Quant à moi, avec mon propre œil, je vois déjà Hassân assis comme à l’ordinaire, avec du chanvre attaché à son orteil, mais aucun changement notable n’étonne ma vue en sa personne. Car le voici aussi pauvrement vêtu que par le passé, et la seule différence que je vois en lui, c’est que son turban est un peu moins dégoûtant et crasseux qu’il y a six mois. D’ailleurs regarde par toi-même, et tu verras que ce que je dis ne peut être contredit. »

Là-dessus Si Saâd, qui était déjà devant la boutique, m’examina et vit, lui aussi, que mon état était sans altération, et mon aspect sans amélioration. Et les deux amis entrèrent chez moi et, après les salams d’usage, Si Saâdi me dit : « Eh bien, Hassân, pourquoi cette mine défaite et ce visage de travers ? Sans doute, tes affaires te donnent du tracas, et le changement de vie t’attriste quelque peu ! » Et moi, les yeux baissés, je répondis : « Ô mes maîtres, qu’Allah prolonge votre vie, mais le destin est toujours mon ennemi, et les tribulations du présent sont pires que celles du passé. Quant à la confiance que mon maître Si Saâd a placée en son esclave, elle est trahie, non point il est vrai du fait de son esclave, mais du fait de l’hostilité du destin ! » Et je leur racontai mon aventure dans tous ses détails,