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les rencontres… (le cheikh…)
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vint que ce que j’avais encore de mieux à faire, c’était de cacher cette bourse dans les plis de mon turban. Et, à l’heure et à l’instant, je me levai, je fermai sur moi la porte de la boutique, et déroulai mon turban dans toute sa longueur. Et je commençai par tirer de la bourse dix pièces d’or que je mis à part pour les dépenses, et j’enveloppai le reste, avec la bourse, dans les plis de la toile, en la prenant par son bout extrême. Et, appliquant ce bout, noué sur la bourse, contre mon bonnet, je disposai de nouveau mon turban sur quatre tours parfaitement combinés. Et je pus alors respirer plus à mon aise.

Or, ce travail achevé, je rouvris la porte de ma boutique, et me hâtai d’aller au souk pour m’approvisionner de tout ce dont j’avais besoin. Je commençai d’abord par m’acheter une bonne quantité de chanvre, que je portai à ma boutique. Après quoi, comme il y avait longtemps qu’on n’avait vu de viande dans ma maison, j’allai à la boucherie, et j’achetai une épaule d’agneau. Et je pris le chemin de la maison, pour porter à ma femme cette épaule d’agneau, afin qu’elle nous l’accommodât aux tomates. Et d’avance je me réjouissais de la joie des enfants à la vue de ce mets succulent.

Mais, ô mon seigneur, ma présomption était trop notoire pour qu’elle restât sans châtiment. Car cette épaule, je l’avais posée sur ma tête, et je m’acheminais les bras ballants, l’esprit perdu dans mes rêves d’opulence. Et voici qu’un épervier affamé fondit soudain sur l’épaule d’agneau et, avant que je pusse lever le bras ou faire le moindre mouvement, il me l’enleva, ainsi que mon turban avec ce qu’il conte-