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les rencontres… (le cheikh…)
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donner la moindre peine, simplement parce cela est dans sa destinée. C’est pourquoi je trouve qu’il est fort inutile de faire des économies en prévision des mauvais jours, car les mauvais jours comme les bons nous viennent d’Allah, et c’est fort mal calculer que de lésiner sur les biens que nous octroie le Rétributeur au jour le jour, en essayant de mettre le surplus de côté. Le surplus, ô Saâd, s’il existe, doit aller aux pauvres d’Allah ; et le garder pour soi-même c’est manquer de confiance dans la générosité du Rétributeur. Quant à moi, ô mon ami, il n’y a pas de jour que je ne me réveille en me disant : « Réjouis-toi, ya Si Saâdi, car qui sait ce que va être aujourd’hui le bienfait de ton Seigneur ! » Et jamais ma foi dans le Rétributeur n’a été trompée. Et c’est pourquoi, de ma vie, je n’ai jamais travaillé, ni ne me suis jamais préoccupé du lendemain. Et tel est mon sentiment. »

En entendant ces paroles de son ami, le notable Si Saâd répondit : « Ô Saâdi, je vois bien que, pour aujourd’hui, il serait vraiment inutile de persister à soutenir mon opinion contre la tienne. C’est pourquoi, au lieu de discuter sans espoir, je préfère tenter une expérience qui puisse te convaincre de l’excellence de ma façon de considérer la vie. Je veux, en effet, sans retard, aller à la recherche d’un homme vraiment pauvre, né d’un père aussi gueux que lui, à qui je donnerai, en pur don, une somme importante qui lui servira de première mise de fonds. Et, comme l’homme que je choisirai devra avoir fait ses preuves d’honnêteté, l’expérience nous prouvera qui de nous deux a raison : si c’est toi, qui attends