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les mille nuits et une nuit

est que les pauvres ne sont pauvres que parce qu’ils ne peuvent parvenir à amasser une somme d’argent assez grosse qui leur permette, par quelque affaire commerciale entreprise au bon moment, de s’enrichir définitivement. Et mon sentiment est que si, devenus riches de la sorte, ils font un usage convenable de leur richesse, ils ne resteront pas seulement riches, mais ils deviendront fort opulents avec le temps. »

Ce à quoi Si Saâdi répondit, disant : « Ô mon ami Saâd, ce n’est pas pour te contredire, mais, par Allah ! je suis fâché de n’être pas de ton avis. Et d’abord il est certain qu’il vaut mieux, généralement, être dans l’aisance que dans la pauvreté. Mais la richesse, par elle-même, n’a rien qui puisse tenter une âme sans ambition. Elle est tout au plus utile pour faire des libéralités autour de nous. Mais qu’elle a d’inconvénients ! N’en savons-nous pas nous-mêmes quelque chose, nous qui avons journellement tant de tracas et tant d’ennuis ? Et le sort de notre ami Hassân le cordier, que voici, n’est-il point préférable au nôtre, en somme ? Et puis, ô Saâd, le moyen que tu proposes pour faire qu’un pauvre devienne riche ne me paraît pas aussi certain qu’à toi. Considère, en effet, que ce moyen est fort aléatoire, car il dépend d’une quantité de circonstances et de chances aussi aléatoires que lui-même, et qu’il serait trop long de discuter. Pour ma part, je crois qu’un pauvre dénué de tout argent préalable a, pour le moins, autant de chances de devenir riche que s’il en avait un peu ; je veux dire qu’il peut, sans première mise de fonds, devenir immensément riche du jour au lendemain, sans se