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les mille nuits et une nuit


HISTOIRE DU CHEIKH À LA PAUME GÉNÉREUSE


Sache, ô mon seigneur et le seigneur de toute bienfaisance, que j’ai exercé toute ma vie le métier de pauvre cordier, travaillant dans le chanvre, comme avaient travaillé avant moi mon père et mes ancêtres. Et ce que je gagnais de ce métier suffisait à peine à me faire subsister avec mon épouse et mes enfants. Mais, faute de capacités pour exercer une autre profession, je me contentais, sans trop murmurer, du peu que nous octroyait le Rétributeur, et je n’attribuais ma misère qu’à mon manque de savoir et à la lourdeur de mon esprit. Et en cela je ne me trompais pas, je dois l’avouer en toute humilité devant le Maître de l’intelligence. Mais, ô mon seigneur, l’intelligence n’a jamais été l’apanage des cordiers, travaillant dans le chanvre, et sa place d’élection ne pouvait être sous le turban d’un cordier, travaillant dans le chanvre. C’est pourquoi, de toutes manières, je n’avais qu’à manger le pain d’Allah sans émettre des souhaits plus irréalisables que d’enjamber d’un bond le sommet de la montagne Kaf.

Or, un jour d’entre les jours, comme j’étais assis dans ma boutique, avec une corde de chanvre attachée à mon orteil et que j’achevais de confectionner, je vis s’avancer deux riches habitants de mon