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les mille nuits et une nuit

de descente dans le puits, que ce que j’avais prévu se réalisa pleinement. Car mon épouse s’écria : « Non, par Allah ! c’est moi qui descendrai là-dedans ! Car toi, tu ne sauras jamais ouvrir le trésor et t’en emparer. Et puis je n’ai guère confiance dans ton honnêteté. » Et elle rejeta aussitôt son voile, et me dit : « Allons, hâte-toi de m’attacher à cette corde, et de me faire descendre dans ce puits. » Et moi, ô mon seigneur, après avoir fait quelques difficultés, rien que pour la forme, et essuyé quelques injures pour mon hésitation, je soupirai : « Qu’il soit fait selon la volonté d’Allah et selon ta volonté, Ô fille des hommes de bien ! » Et je l’attachai solidement avec la corde, la lui ayant fait passer sous les bras, et je la laissai glisser le long du puits. Et quand je sentis qu’elle était arrivée au fond, je lâchai tout, jetant la corde au fond du puits. Et je poussai un soupir de satisfaction comme il ne s’en était exhalé de ma poitrine depuis ma sortie du sein de ma mère. Et je criai à la calamiteuse : « Ô fille des hommes de bien, aie la complaisance de rester là jusqu’à ce que je vienne t’en tirer ! » Et, sans me soucier de sa réponse, je retournai tranquillement à mon travail, et je me mis à fagoter en chantant, ce qui ne m’était pas arrivé depuis bien longtemps. Et, dans mon bonheur, je croyais qu’il m’avait poussé des ailes, tant je me sentais léger comme les oiseaux.

Et, délivré ainsi de la cause de mes tribulations, je pus enfin goûter la saveur de la tranquillité et de la paix. Mais, au bout de deux jours, je pensai en mon âme : « Ya Ahmad, la loi d’Allah et de Son Envoyé — sur Lui la prière et les bénédictions ! —