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les rencontres… (le cavalier…)
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nous venons, et vers Lui nous retournons ! » Et je résolus, une fois arrivé à la forêt, de me coucher sur le ventre, et de me laisser mourir de la mort noire.

Et, ayant ainsi pensé, sans répondre une parole, je marchai derrière l’âne qui portait sur son dos le poids qui pesait sur mon âme et sur ma vie.

Or, en chemin, l’âme de l’homme, qui est chère à la vie, me suggéra, afin d’éviter la mort, un projet auquel je n’avais point songé jusque-là. Et je ne manquai pas de le mettre aussitôt à exécution. En effet, dès que nous fûmes arrivés au pied de la montagne, et que mon épouse, fut descendue de dessus le dos de l’âne, je lui dis : « Écoute, ô femme ! puisqu’il n’y a plus moyen de te rien cacher, je veux t’avouer que la corde que nous venons d’acheter n’est point destinée, dans mon esprit, à lier mes fagots, mais elle doit servir à nous enrichir à jamais ! » Et, pendant que mon épouse était sous le coup de la surprise où la jetait cette déclaration inattendue, je la conduisis vers l’orifice d’un puits ancien, desséché depuis des années, et je lui dis : « Tu vois ce puits ! Eh bien, il contient notre destinée ! Et, avec la corde, je vais aller la recueillir. » Et, comme la fille de l’oncle était de plus en plus perplexe, j’ajoutai : « Eh oui, par Allah ! il y a longtemps que j’ai eu la révélation d’un trésor caché dans ce puits, et qui est écrit sur ma destinée. Et c’est aujourd’hui le jour où il faut que je descende le chercher ! Et c’est pourquoi je me suis décidé à te prier de m’acheter cette corde-là ! »

Or, à peine eus-je prononcé ces mots de trésor et