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les mille nuits et une nuit

sujets ! Sans doute tu ne me réclames cet argent que pour aller le dépenser en compagnie des gueuses de Baghdad. Mais sois tranquille, j’ai l’œil ouvert sur ta conduite. Et si réellement c’est pour une corde que tu réclames cet argent, eh bien, je vais sortir avec toi, afin que tu l’achètes en ma présence. Et d’ailleurs, désormais, tu ne sortiras plus sans moi de la maison ! » Et, ce disant, elle m’entraîna véhémentement dans le souk, et paya elle-même au marchand la corde qui était nécessaire à mon gagne pain. Mais Allah seul sait au prix de quels marchandages et de quels yeux de travers, jetés alternativement de mon côté et du côté du marchand épouvanté, fut conclu cet achat mouvementé.

Mais, ô mon seigneur, tout cela n’était que le commencement de mon infortune, ce jour-là. Car, au sortir du souk, comme je voulais prendre congé de mon épouse, pour aller à mon travail, elle me dit : « Où ça ? où ça ? Je suis avec toi, et je ne te quitte pas ! » Et, sans plus, elle sauta sur le dos de mon âne, et ajouta : « Désormais je t’accompagnerai à la montagne, où tu prétends passer tes journées à fagoter, afin de surveiller ton travail. »

Et moi, à cette nouvelle, ô mon seigneur, je vis le monde entier noircir devant mon visage, et je compris que je n’avais plus qu’à mourir. Et je me dis : « Voici, ô pauvre, que la calamiteuse ne va plus laisser de répit à ta religion ! Du moins, auparavant, tu avais quelque tranquillité tant que tu étais seul à la forêt. Maintenant c’est bien fini ! Meurs dans ta misère et dans ton désespoir ! Il n’y a de recours et de puissance qu’en Allah le Miséricordieux ! De Lui