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les mille nuits et une nuit

elle tournera le dos pour prendre la fuite. Et toi, aussitôt, tu l’aspergeras avec l’eau de ce flacon, en lui criant : « Quitte ta forme humaine, et deviens jument ! » Et aussitôt elle se muera en jument d’entre les juments. Et tu sauteras sur son dos, et tu la saisiras au crin et, malgré sa résistance, tu lui feras mettre dans la bouche un double mors à toute épreuve. Et, pour la punir comme elle le mérite, tu la châtieras à grands coups de fouet, aussi longtemps que la lassitude ne t’obligera pas de cesser. Et tous les jours d’Allah tu lui feras subir un pareil traitement. Et de la sorte tu la domineras. Sans quoi, sa méchanceté finira par prendre le dessus. Et tu en pâtirais. »

Et moi, ô émir des Croyants, je répondis par l’ouïe et l’obéissance, et je me hâtai d’aller à ma maison attendre l’arrivée de mon ancienne épouse, en me dissimulant de façon à la voir venir de loin, et à pouvoir me présenter à elle face à face et brusquement. Or, elle ne tarda pas à se montrer. Et moi, malgré le saisissement qui me tint à sa vue et à la vue de sa beauté émouvante, je ne manquai de faire ce pourquoi j’étais venu. Et je réussis pleinement à la changer en jument.

Et depuis lors, m’étant uni par les liens licites avec ma libératrice, qui était de mon sang et de ma race, je ne manquai pas de faire subir à la jument que tu as vue sur le meidân, ô émir des Croyants, le traitement cruel, sans aucun doute, qui a offusqué ta vue, mais qui a sa justification dans la méchanceté si pernicieuse de l’étrangère. Et telle est mon histoire !

Lorsque le khalifat eut entendu ce récit de Sidi