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les mille nuits et une nuit

retourna de mon côté, et voyant que je ne faisais que la regarder sans bouger de ma place, me fit un second signe plus pressant que le premier. Alors moi, mû par une curiosité plus forte que ma prudence, je profitai de ce que mon maître était au fond de la boutique, occupé à une cuisson de pain, pour sauter dans la rue et suivre cette dame. Et je marchai derrière elle, en m’arrêtant de temps en temps, pris d’hésitation et remuant la queue. Mais encouragé par elle, je finis par surmonter mon incertitude, et j’arrivai avec elle devant sa maison.

Et elle ouvrit la porte de la maison, entra la première et m’invita d’une voix fort douce à faire comme elle, me disant : « Entre, entre, ô pauvre ! tu ne t’en repentiras pas ! » Et j’entrai derrière elle.

Alors, ayant refermé la porte, elle me mena vers l’appartement intérieur, et ouvrit une chambre où elle m’introduisit. Et je vis, assise sur un divan, une jeune fille comme la lune, qui brodait. Et cette jeune fille se voila vivement à ma vue ; et la vieille dame lui dit : « Ô ma fille, je t’amène le chien fameux du boulanger, celui-là même qui sait si bien distinguer les pièces bonnes d’avec les pièces fausses. Et tu sais déjà que je t’ai fait part de mes doutes, dès le premier bruit qui s’est répandu à son sujet. Et je suis allée aujourd’hui acheter du pain chez le boulanger, son maître, et j’ai été témoin de la vérité des faits ; et je me suis fait suivre par ce chien si rare qui émerveille Baghdad. Dis-moi donc toute ta pensée, ô ma fille, afin que je sache si je me suis trompée dans mes conjectures ! » Et la jeune fille répondit aussitôt : « Par Allah ! ô mère, tu ne t’es pas trom-