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les mille nuits et une nuit

et non sans quelque mépris : « Ta pièce est si visiblement fausse, que même mon chien que voici, et qui n’est qu’un animal muet sans discernement, ne s’y tromperait pas. » Et, simplement dans le but d’humilier cette calamiteuse, et sans nullement croire au résultat de l’acte qu’il allait faire, il me cria en m’appelant par mon nom : « Bakht ! Bakht ! viens ! viens ici ! » Et moi, à sa voix, j’accourus vers lui, en remuant la queue. Et aussitôt il prit le tiroir en bois où il mettait son argent et le renversa sur le sol en répandant devant moi toutes les pièces qu’il contenait. Et il me dit : « Ici ! ici ! vois tout cet argent ! Regarde bien toutes ces pièces ! Et dis-moi si dans le nombre il n’y pas une pièce fausse ! » Et moi j’examinai attentivement toutes les pièces d’argent, l’une après l’autre, en les poussant légèrement du bout de ma patte, et je ne tardai pas à tomber sur la pièce fausse. Et je la mis de côté, en la séparant du tas, et en mettant dessus ma patte de façon à bien faire comprendre à mon maître que je l’avais trouvée. Et je le regardai, en poussant de petits cris, et en frétillant.

À cette vue, mon maître, qui était loin de s’attendre à cette preuve de perspicacité chez un animal de mon espèce, fut à l’extrême limite de la surprise et de l’émerveillement, et s’écria : « Allah est le plus grand ! Et il n’y a de toute-puissance qu’en Allah ! » Et la vieille, ne pouvant cette fois contester le témoignage de ses propres yeux, et d’ailleurs épouvantée de ce qu’elle voyait, se hâta de reprendre sa pièce fausse et d’en donner une bonne en échange. Et elle déguerpit en trébuchant dans sa traîne.