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les rencontres d’al-rachid… (la jument…)
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que mon attention lui plaisait, et que si, par hasard, il avait dessein de sortir sans que j’eusse été au préalable averti par quelque signe, il ne manquait pas de m’appeler familièrement, en me sifflant. Et, moi, aussitôt je m’élançais de ma place dans la rue ; et je sautais, et je gambadais en faisant mille courses en un instant, et mille allées et venues devant la porte. Et je ne cessais tous ces jeux que lorsqu’il était déjà dans la rue. Et alors je l’accompagnais fort exactement, en le suivant ou en courant devant, et en le regardant de temps en temps, pour lui marquer ma joie et mon contentement.

Or, il y avait déjà un certain temps que j’étais dans la maison de mon maître le boulanger, lorsqu’un jour d’entre les jours entra dans la boutique une femme qui acheta une galette de pain qui venait de sortir toute soufflée du four. Et la femme, ayant payé mon maître, prit le pain et se dirigea vers la porte. Mais mon maître, qui s’aperçut que la pièce de monnaie qu’il venait de recevoir était fausse, rappela la femme et lui dit : « Ô tante, qu’Allah allonge ta vie ! mais, si cela ne t’offusque pas, je préfère une autre pièce à celle-ci ! » Et, en même temps, mon maître lui tendit la pièce de monnaie en question. Mais la femme, qui était une vieille endurcie, refusa, avec force protestations, de reprendre sa monnaie, prétendant qu’elle était bonne, et disant : « D’ailleurs ce n’est pas moi qui l’ai faite, et dans les monnaies il n’y a pas à choisir entre pastèques et concombres ! » Et mon maître fut loin d’être convaincu par les arguments sans consistance de cette vieille, et lui dit d’une voix calme