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les mille nuits et une nuit

mes dents, et de le manger assez lentement pour lui faire comprendre que je le faisais par égards pour lui et par honneur. Et il remarqua tout cela, et m’appela et voulut bien me faire signe de m’asseoir près de sa boutique. Et je m’assis, en faisant entendre de petits gémissements de plaisir, et en me tournant du côté de la rue, pour lui marquer que, pour le présent, je ne lui demandais autre chose que sa protection. Et, grâce à Allah qui l’avait doué d’intelligence, il comprit toutes mes intentions, et me fit des caresses qui m’encouragèrent et me donnèrent de l’assurance : j’osai donc m’introduire dans sa maison. Mais je m’y pris d’une manière assez habile pour lui faire sentir que je ne le faisais qu’avec sa permission. Et, loin de s’opposer à mon entrée, il fut, au contraire, plein d’affabilité et me montra un endroit où je pouvais m’installer sans lui être incommode. Et je pris possession de cette place, que je conservai depuis lors pendant tout le temps que je demeurai dans la maison.

Et mon maître, à partir de ce moment, fut pris pour moi d’un grand attachement, et me traita avec une extrême bienveillance. Et il ne pouvait déjeuner, ni dîner, ni souper, que je ne fusse à ses côtés et n’eusse ma part au delà de mon rassasiement. Et, de mon côté, j’avais pour lui toute la fidélité et tout le dévouement dont pouvait être capable la plus belle âme de chien. Et, dans ma reconnaissance pour ses bons soins, j’avais constamment les yeux attachés sur lui, et je ne le laissais pas faire un pas dans la maison ou dans la rue que je ne fusse derrière lui, fidèlement, d’autant plus que j’avais remarqué