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les rencontres d’al-rachid… (la jument…)
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… Et à peine eut-elle vomi ces syllabes diaboliques, que tout-à-coup je me vis métamorphosé en chien. Et mon épouse se précipita sur moi, suivie de l’effroyable goule. Et toutes deux tombèrent sur moi à coups de pied, si violemment que je ne sais comment je ne demeurai pas mort sur place. Pourtant, le danger extrême où je me trouvais et l’attachement de l’âme à la vie me donnèrent la force et le courage de sauter sur mes quatre jambes et de m’enfuir, la queue ramenée sous mon ventre, poursuivi avec la même fureur par mon épouse et par la goule. Et ce ne fut que lorsqu’elles m’eurent chassé bien loin du cimetière, qu’elles cessèrent de me maltraiter et qu’elles cessèrent de courir derrière moi, qui, de douleur, aboyais lamentablement et qui roulais sur le dos tous les dix pas. Et je les vis s’en retourner vers le cimetière. Et je me hâtai de franchir les portes de la ville, comme un chien perdu et malheureux.

Et le lendemain, après une nuit passée à rôder en boitant à travers la ville, et à éviter les morsures des chiens de quartier, qui poursuivaient en moi l’intrus, j’eus l’idée, pour échapper à leurs attaques cruelles, de me réfugier dans quelque abri. Et je me jetai vivement dans la première boutique qui s’était ouverte à cette heure matinale. Et j’allai me fourrer dans un coin, où je me dérobai à leur vue.

Or, c’était la boutique d’un vendeur de têtes et de pieds de mouton. Et mon hôte prit d’abord mon parti contre mes agresseurs, qui voulaient pénétrer à ma poursuite jusque dans l’intérieur de la boutique. Et il parvint à les chasser et à les éloigner ;