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les mille nuits et une nuit

mains un objet rond qu’elle remit en silence à mon épouse. Et je reconnus en cet objet un crâne humain fraîchement coupé sur quelque corps sans vie. Et mon épouse, poussant un cri de bête féroce, enfonça ses dents à même cette chair morte et se mit à grignoter dedans affreusement.

Alors moi, ô mon seigneur, à cette vue, je sentis que le ciel s’effondrait de tout son poids sur ma tête. Et je dus, dans mon épouvante, jeter un cri d’horreur qui trahit ma présence. Car je vis soudain mon épouse debout sur la tombe qui m’abritait. Et elle me regardait avec les yeux de la tigresse affamée, quand elle va fondre sut sa proie. Et je ne doutai plus de ma perte sans recours. Et, avant que j’eusse le temps de faire le moindre mouvement pour me défendre, ou pour prononcer une formule invocatoire qui me prémunît contre les maléfices, je la vis étendre le bras au-dessus de moi, et crier quelques syllabes en une langue inconnue dont les accents étaient semblables aux rugissements que l’on entend dans les déserts. Et à peine eut-elle vomi ces syllabes diaboliques, que tout-à-coup je me vis métamorphosé en chien…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.

MAIS LORSQUE FUT
LA HUIT CENT SOIXANTE-QUATRIÈME NUIT

Elle dit :