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les mille nuits et une nuit

sence derrière ce rideau, à cette place qui n’était pas la mienne. J’attendis donc qu’elle se fût éloignée pour me lever de ma cachette, en rattrapant mon souffle perdu. Et je me dirigeai vers la fenêtre qui donnait sur la cour de la maison, et regardai à travers le grillage. Et j’eus le temps d’apercevoir, par une fenêtre qui donnait sur la cour, qu’elle ouvrait la porte de la rue et qu’elle sortait, foulant à peine le sol de ses pieds nus.

Et je la laissai s’éloigner quelque peu, et je courus à la porte, qu’elle avait laissée entr’ouverte, et la suivis de loin, en tenant mes sandales à la main.

Et le dehors était éclairé par la lune décroissante, et le ciel tout entier se déployait sublime comme toutes les nuits, avec le tressaillement de ses clartés. Et, malgré mon émotion, j’élevai mon âme vers le Maître des créatures, et mentalement je dis : « Ô Seigneur, Dieu d’exaltation et de vérité, sois témoin que j’ai agi avec discrétion et honnêteté à l’égard de mon épouse, cette fille des étrangers, bien que tout d’elle me soit inconnu, et qu’elle appartienne peut-être à une race mécréante qui offense Ta face, Seigneur ! Et maintenant je ne sais ce qu’elle va faire, dans cette nuit, sous la clarté bienveillante de Ton ciel. Mais que, de près ou de loin, je ne paraisse pas complice de ses actions. Car je les réprouve d’avance, si elles sont contraires à Ta Loi et à l’enseignement de Ton Envoyé — sur Lui la paix et la prière ! »

Et, ayant apaisé de la sorte mes scrupules, je n’hésitai plus à suivre mon épouse, où qu’elle allât.

Et voici qu’elle traversa toutes les rues de la ville,