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les rencontres d’al-rachid… (la jument…)
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fermées et ses longs cils recourbés, aussi belle que les houris du Ciel.

Et voici qu’arrivé à cette porte, j’entendis au-dedans les pas de mon épouse. Et, comme je ne pouvais comprendre le dessein qui la tenait encore éveillée à cette heure tardive de la nuit, je fus poussé par la curiosité à me blottir derrière le rideau de la porte, pour essayer de voir quelle pouvait bien être l’affaire.

Et bientôt la porte s’ouvrit, et mon épouse apparut sur le seuil, vêtue de ses habits de sortie, et glissant sur les dalles de marbre sans faire le moindre bruit. Et je la regardai, comme elle passait devant moi dans le noir, et de stupeur mon sang se figea dans mon cœur. Sa face tout entière apparaissait au milieu des ténèbres éclairée par deux tisons qui étaient ses yeux, semblables aux yeux des tigres qui brûlent, dit-on, dans l’obscurité et éclairent la route à suivre pour le meurtre et le carnage. Et elle était pareille à ces figures d’épouvante que nous envoient les genn malfaisants durant le sommeil, quand ils veulent nous faire prévoir les catastrophes qu’ils trament contre nous. Mais elle-même déjà me semblait une gennia de l’espèce la plus cruelle, avec sa face de pâleur, ses yeux incendiaires, et ses cheveux jaunes qui se hérissaient sur sa tête terriblement !

Et moi, ô mon seigneur, je sentais mes mâchoires se serrer à se briser, et ma salive se dessécher dans ma bouche, et mon souffle s’anéantir. Et d’ailleurs j’eusse été capable de me mouvoir, que je me fusse bien gardé de donner le moindre signe de ma pré-