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histoire du livre magique
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Et lorsqu’il eut récité ces vers, il cria : « Ô mon seigneur Giafar, je te reconnais ! » Et il cria encore : « Je suis Attaf ! » Et Giafar, de son côté, se leva sur ses deux pieds, en poussant un grand cri, et se précipita dans les bras d’Attaf. Et si grande fut leur émotion, qu’ils restèrent sans connaissance pendant quelques instants. Et lorsqu’ils furent revenus à eux, ils s’embrassèrent et s’interrogèrent mutuellement sur ce qui leur était arrivé, depuis le commencement jusqu’à la fin. Et ils n’avaient pas encore fini de se faire leurs confidences, quand un grand cri se fit entendre ; et on se retourna et on vit qu’il avait été poussé par un cheikh, qui s’avançait en disant : « Ce n’est point humain, ce qui se passe là ! » Et on le regarda, et on vit que ce cheikh était un vieillard avec une barbe teinte au henné, et la tête couverte d’un mouchoir bleu. Et Giafar, l’ayant vu, le fit s’avancer et l’interrogea sur son affaire. Et le cheikh à la barbe teinte s’écria : « Éloignez, ô hommes, l’innocent de dessous le glaive ! Car le crime n’est pas son crime, et il n’a tué personne ; et le cadavre du jeune homme assassiné n’est pas son fait, et il n’y est pour rien ! Car le seul meurtrier c’est moi-même ! » Et Giafar le vizir lui dit : « Alors, c’est toi qui l’a tué ? » Il répondit : « Oui ! » Il demanda : « Et pourquoi l’as-tu tué ? N’as-tu donc point la crainte d’Allah dans ton cœur, pour tuer de la sorte un fils de sang noble, un Haschimite ? » Et le cheikh répondit : « Ce jeune homme, que vous avez trouvé mort, était ma propriété, et je l’avais moi-même élevé. Et tous les jours il prenait de moi de l’argent pour ses dépenses. Mais au lieu de m’être fidèle, il allait s’amuser tantôt avec