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les mille nuits et une nuit

mière mosquée qu’il rencontra. Et il n’avait pas mangé depuis deux jours. Et il était assis dans un coin, à se reposer et à réfléchir tristement, quand un vagabond, de l’espèce des vagabonds qui mendient aux portes d’Allah, entra dans la mosquée, et vint s’asseoir juste en face de lui. Et il ôta de son épaule un vieux sac qui y était installé, et l’ouvrit et en tira un pain, puis un poulet, puis encore un pain, puis des confitures, puis une orange, puis des olives, puis des gâteaux aux dattes, puis un concombre. Et l’affamé Attaf voyait avec ses yeux et sentait avec son nez. Et le vagabond se mit à manger, et Attaf à le regarder pendant qu’il engloutissait avec calme ce repas, qui semblait la nappe même d’Issa, fils de Miriam (sur eux deux la paix et la bénédiction d’Allah !) Et Attaf qui, non seulement n’avait pas mangé depuis deux jours, mais qui depuis quatre mois n’avait pas eu son rassasiement, se dit en lui-même : « Par Allah ! je prendrais bien une bouchée de cet excellent poulet, et un morceau de ce pain, et une tranche au moins de ce concombre délicieux. » Et son désir sur le pain et le poulet et le concombre brillait si fort dans ses yeux que le vagabond le regarda. Et, de son extrême faim, Attaf ne put s’empêcher de pleurer. Et le vagabond hocha la tête en le contemplant, et quand il eut avalé la bouchée de bonnes choses qui encombrait sa bouche, il prit la parole et dit : « Pourquoi donc, ô père de la barbe sale, fais-tu comme les étrangers et comme les chiens faméliques qui demandent avec leurs yeux le morceau que mange leur maître ? Par la protection d’Allah ! quand tu verserais assez de larmes pour