Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
les mille nuits et une nuit

était apparue, la plus belle de son temps, qui avait arrosé son jardin de fenêtre. Et il ajouta : « Maintenant mon cœur tumultueux est agité d’amour pour elle ! Elle a subitement fermé sa fenêtre, après avoir jeté un seul coup d’œil dans la rue où j’étais, et elle l’a fermée aussi vite que si elle avait été vue à découvert par un étranger. Et me voici maintenant, à cause de l’excessive agitation et de l’ardeur d’amour où je suis pour elle, incapable de quoi que ce soit, et inapte à manger et à boire ; et mon sommeil est brisé par la force de mon désir sur celle qui s’est établie à demeure dans mon cœur. » Et il ajouta : « Et tel est mon cas, ô mon frère Attaf, et je t’ai raconté tout ce qui m’est survenu, sans t’en rien cacher. »

Lorsque le généreux Attaf eut entendu les paroles de son hôte, et compris leur portée, il baissa la tête et réfléchit une heure de temps. Car il venait d’apprendre, à n’en pas douter par tous les renseignements et indices entendus et la description de la maison, de la fenêtre et de la rue, que l’adolescente en question n’était autre que sa propre épouse, la fille de son oncle, qu’il aimait et dont il était aimé, et qui habitait dans une maison séparée, avec ses esclaves à elle et ses servantes à elle. Et il dit à lui-même : « Ô Attaf, il n’y a de recours et de puissance qu’en Allah le Très-Haut, le Très-Grand, nous venons d’Allah et vers Lui nous retournons ! » Et sa générosité et sa grandeur d’âme prirent aussitôt le dessus, et il pensa : « Je ne serai pas semblable, dans mon amitié, à celui qui bâtirait sur le sable et sur l’eau, et par le Dieu magnanime ! je servirai mon hôte avec mon âme et mon bien. »